Texte: 

  • Clémence Lamirand

Photos: 

  • Hervé Annen

« La justice pénale intègre si peu la réalité des victimes »

Le Centre LAVI (loi sur l’aide aux victimes) de Genève accompagne gratuitement les personnes victimes de violences. Il apporte écoute et soutien, moral comme financier, en toute confidentialité. Les précisions de sa directrice, Muriel Golay.

Pulsations Comment résumer les actions menées par les centres LAVI, présents dans tous les cantons de Suisse ?
Muriel Golay
Les centres LAVI appliquent la loi sur l’aide aux victimes d’infractions, qui date de 1993. Celle-ci vise à soutenir les personnes qui ont subi une infraction pénale ayant porté atteinte à leur intégrité physique, psychique ou sexuelle, comme des violences conjugales, une agression avec lésions corporelles ou un viol. L’accompagnement peut aussi concerner leurs proches. Les consultations fournissent écoute, reconnaissance, informations, soutien psychologique et accompagnement juridique. Nous assurons aussi, au besoin, un relais social, en lien avec le réseau, et intervenons avec des mesures de protection, comme un changement de serrure au domicile ou un hébergement d’urgence

Ces prestations sont-elles payantes pour les victimes ?
Non. Depuis plus de trente ans, nos consultations sont gratuites, strictement confidentielles et sans délai par rapport aux faits. Nous pouvons également financer certains frais, médicaux ou juridiques, entre autres, et soutenons les victimes, même si elles ne souhaitent pas porter plainte.

Le fait que les infractions doivent relever du droit pénal limite-t-il votre champ d’action ?
Disons que nous nous concentrons sur les violences les plus graves, dont les conséquences sont les plus sévères. Si les faits ne relèvent pas d’une infraction pénale ou que celle-ci n’est pas de notre compétence, pour des cas d’injures notamment, nous orientons la personne vers une structure adaptée, une association par exemple.

Incitez-vous les victimes à porter plainte ?
Notre rôle est de les informer afin qu’elles puissent faire leur propre choix. C’est un travail important car les logiques de la justice leur sont le plus souvent inconnues. Déposer plainte peut s’avérer très lourd en termes d’énergie, de temps et de financement. Sans oublier que le but premier d’une procédure pénale n’est pas de réparer le préjudice subi par ces personnes, mais de juger celles ou ceux qui en sont les auteurs. Toutefois, la plainte leur permet d’être reconnues comme victimes, ce qui peut les aider à se reconstruire. Quel que soit leur choix, nous sommes à leurs côtés. Cela dit, je regrette que la justice pénale intègre si peu la réalité et le quotidien des victimes.

C’est-à-dire ?
L’obligation de répéter de nombreuses fois le récit des violences subies est une épreuve très mal vécue, de même que la confrontation avec leur auteur ou autrice. La lenteur de la procédure qui met leur vie en suspens est aussi relevée. De plus, il arrive que les victimes rapportent des attitudes ou des propos problématiques de la part des personnes œuvrant au sein de la chaîne pénale, ce qui leur fait perdre confiance en la justice. À l’inverse, avoir été reçues et écoutées avec respect est un facteur de réparation crucial, quelle que soit l’issue de la procédure.

Quels liens entretenez-vous avec les HUG ?
Les travailleurs et travailleuses sociales des HUG nous adressent souvent des personnes. De notre côté, en cas de violence sexuelle par exemple, nous dirigeons les victimes vers les urgences gynécologiques. Ce passage par l’hôpital est indispensable pour établir les démarches permettant de constater l’agression. Nous collaborons aussi étroitement avec l’Unité interdisciplinaire de médecine et prévention de la violence (UIMPV) et la Consultation médico-légale pour adultes victimes de violence (CMLV).

N’est-il pas difficile pour les victimes, aujourd’hui encore, de savoir vers qui s’orienter ?
Si. Elles ne connaissent souvent pas les structures existantes. Dans quelques mois, un nouveau numéro unique à trois chiffres devrait améliorer l’accès à l’aide en Suisse. Ouverte 24 heures sur 24, cette ligne constituera une belle avancée pour l’aide aux victimes.

Soutenez-vous davantage de femmes que d’hommes ?
Oui, 70% de nos bénéficiaires sont des femmes. Elles sont surreprésentées en cas de violences domestiques (85%) et sexuelles (plus de 90%). Les hommes sont davantage concernés par des violences hors du foyer, comme les agressions de rue. Les types de violences sont finalement très genrés.

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